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Aah... tu as eu ta toute première peur, Yuki.

 

Au péril de sa vie et de celle de son tant aimé compagnon, Yukishiro a pris le risque de prendre son ex-prisonnière, Natsumi, sous son aile. Va-t-il, pour autant, lui conférer une confiance aveugle ? Qu'en sera-t-il lorsque, qu'un jour, un fou furieux voudra supprimer Chihiro à cause d'elle ?

« Yu… Yuki ? Est-ce qu’il est m-mort ? Yuki ! A-ah ! Yu… Yuki, a-aide-moi ! »

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Sous le choc, mon pauvre bien-aimé hurlait, ne pouvant briser le contact visuel avec le cadavre. Il avait les yeux grands ouverts, la pupille tremblante. Son visage aux traits doux était couvert de grosses larmes de crocodile. Il frémissait comme une feuille morte d’automne encore accrochée à son arbre. J’ai laissé mon doigt appuyé sur le bouton de mise en veille de mon téléphone portable afin qu’il s’éteigne tandis que je tenais une seringue dans mon autre main. J’ai fait quelques pas vers lui, mes pieds se trouvant alors près de ses cuisses. J’ai dû baisser la tête pour le contempler, pour le contempler avec mélancolie. Je me suis accroupi avant de le prendre dans mes bras. Malheureusement, le pauvre garçon traumatisé ne cessait de se débattre comme un animal qui allait être conduit à l’abattoir.

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« Je suis là, Chi-chan... tu devrais aller te coucher... ai-je déclaré en le serrant contre moi. »

 

À peine ai-je prononcé mes derniers mots que j’avais déjà fait pénétrer l’aiguille dans le bras de mon compagnon. Le produit s’immisça dans son corps et le garçon à la chevelure légèrement bouclée s’écroula directement dans mes bras. Je me suis levé difficilement, perdant une quantité de sang non négligeable. J’ai amené mon bien aimé dans notre chambre, le déposant auprès de Natsumi, elle-aussi, alors, inconsciente.

« Tu es un ange, Chi-chan… tu t’occupes bien d’elle.

- Yu… Yuki, pourquoi ai-je s-senti une arme sur t-toi ? »

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Alors que mon joli fiancé brun s’occupait de Natsumi, à ce moment-là blessée comme jamais, je me préparais à l’arrivée d’un invité spécial. Je me suis mis à faire des allers-retours dans notre grande maison traditionnelle, ouvrant toutes mes cachettes secrètes pour y récupérer ce dont j’avais besoin pour l’accueillir au mieux. Je me suis, par la suite, dirigé vers la cave où j’avais caché mes deux protégés. J’ai croisé le regard de Chihiro, assis à la droite de mon ex-prisonnière. J’ai marché vers lui, m’accroupissant à la gauche de cette dernière, couchée au sol, immobile. J’ai offert à mon fiancé un doux sourire, posant ma main sur son visage apeuré. En effet, il semblait bien savoir ce qu’il se tramait, avec ses yeux vitreux… il était sur le point de pleurer. Je lui ai offert un court et affectueux baiser avant de caresser son visage. C’est à cet instant que ce dernier sentit une arme se cachant en dessous de mon tee-shirt et qu’il me posa cette fameuse question.

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« Tu me poses une question à laquelle tu connais la réponse, neko-chan. Hisoka va revenir. Je vais te protéger, je vais m'en débarrasser et nous vivrons paisiblement, toi et moi, je te le promets, ai-je alors répondu.

- J'ai p-peur...

- N'aies pas peur... je t'aime donc tu n'as pas à avoir peur. »

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J’ai déposé mes lèvres sur sa joue avant de me diriger vers la cuisine. J’ai mis en route mon phonographe datant de la fin du XIXème siècle, les notes de la Danse macabre de Camille Saint-Saëns commençant à s’en échapper. Je me suis, par la suite, servi un verre de vin puis je me suis assis, attendant son arrivé un grand sourire aux lèvres, armé jusqu’aux dents et notre jolie maison devenue limite une armurerie. Qui était cet invité-surprise, cet Hisoka ? À l’origine c’était un marchand, le seul propriétaire d’un commerce du petit village de Tsurui. Il m’avait toujours semblé aussi dangereux qu’une mouche… cependant, je m’étais trompé. J’ai découvert, lorsque nous sommes allés sauver Natsumi d’un pervers-otaku, qu’il avait une obsession particulière pour les jeunes filles à la chevelure brune et aux yeux bleus. Les jeunes filles ressemblant à Natsumi comme deux gouttes d’eau… et il y avait une raison à cela. Etant donné qu’il était l’assassin du pervers otaku, je l’avais laissé se débarrasser du corps pendant que, moi, je devais lui ramener mon ex-victime à sa satané boutique, notre contrat d’aide se brisant alors. Or, il était hors de question que je lui livre la fille. Ainsi, en ramenant mon bien-aimé ainsi que cette dernière chez moi, je ne pouvais que me douter que Hisoka allait se ramener pour se venger… et j’avais raison. À peine avais-je fini mon verre de vin que ce salopard de boutiquier venait de pénétrer dans mon havre de paix en cassant une fenêtre. Je me suis levé et je me suis calé près de la porte de la cuisine. Je devais être prêt au combat. Hisoka n’attendit pas longtemps pour tirer. La balle fut assez silencieuse et effleura mon épaule… un ricanement se fit entendre.

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« Alors… on ne tient pas ses promesses ? Me la donner t’enlèverait une épine du pied, pourtant.

- Je ne tiens pas de promesses à quelqu'un comme toi, Hisoka. Oui... c'est sûr que tu me l'auras enlevée du pied, l'épine, une fois que tu l'auras tué langoureusement... espèce de raclure, ai-je déclaré en tirant à mon tour, l’ayant vu du coin de l’œil. »

 

Ma balle avait également effleuré le bras du marchand. Je me suis mis à courir dans la maison afin de changer de pièce… il était temps de s’abriter derrière la bibliothèque du salon. Le combat était lent… mêlé de tirs réfléchis et de paroles blessantes afin que l’un d’entre nous pète un plomb, se laisse submerger par la colère et tombe, alors, dans le piège de l’autre. Ce n’était qu’une stratégie… et une façon de mettre les choses au clair, également. Hisoka était conscient que ce qui me touchait le plus était ses paroles à propos de mon compagnon… ce sujet était une corde sensible, en effet… Si j’avais préféré prendre des risques et ramener Natsumi en notre demeure… c’était pour deux raisons. La raison principale était Chihiro. Malgré tout ce que j’avais pu dire, toute la méfiance que j’avais pu avoir… il l’appréciait grandement… elle était importante pour lui et… j’ai commencé  à réaliser,  depuis notre visite  chez ses parents, 

que toute personne importante pour mon fiancé l’est également pour moi. Deuxièmement… il y a quelque chose de particulier avec Natsumi. Je crois que c’est à cause de ce vieux souvenir qui me hante… ce vieux souvenir de moi lui demandant sincèrement d’être son ami. Ainsi… je ressens du remord, comme me l’a expliqué Chihiro… je ressens du remord car nous l’avons laissée derrière nous en déménageant. Cependant, le commerçant se foutait amplement de tout cela… et prenait un malin plaisir à me répondre avec provocation.

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« Comme c’est mignon ! Un jour, elle vous tuera tous les deux, sans le moindre remord et tu ne pourras rien faire, car elle cache bien son jeu, dit-il au bout d’un moment. Le pire est que tu l’as laissée avec ton fiancé faiblard. Lui tordre le cou serait un jeu d’enfant pour elle. »

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Je sentis un liquide chaud imprégner le tissu de mon tee-shirt. Cette fois, la balle s’était logée dans mon bras. Bien heureusement, elle s’était logée superficiellement… il n’y avait donc pas de quoi m’arrêter. J’ai tiré une première fois, le plus précisément possible… cependant, malgré tout le calme que je tentais de garder, sa stupide provocation fonctionna une fois. Suite à ses paroles, j’ai gâché deux balles impulsivement et j’ai rétorqué :

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« Natsumi ne nous tuera point. Elle a promis à Chihiro de la protéger, ils s’aiment beaucoup et ce n’est pas ta langue de vipère qui changera quelque chose à cela. Pour le moment, elle est faiblarde. Il s’occupe d’elle. Toi, tu ne t’occupe de personne et tu ne t’occuperas jamais de personne… »

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Seul un de mes tirs l’atteignit… il fut touché au bras. Malheureusement, mes deux derniers coups furent trop imprécis… j’avais été stupide, sur le coup… vraiment. J’aurais dû calmer mes émotions, être moins sensible à ses paroles… ses paroles qu’il ne pensait sans aucun doute même pas. Il disait cela pour m’énerver, pour que je sois donc moins rigoureux. Je fus touché à nouveau, dans l’épaule cette fois, pendant que ce personnage détestable me révéler son secret : il était le fils d’un des docteurs qui avait martyrisé Natsumi… soi-disant, son père… ce docteur était décédé par sa faute. Je me suis dirigé vers ma chambre, me cachant alors dans l’encadrement de la porte. J’ai tiré, tiré encore et encore jusqu’à qu’il soit au plus près de moi, tentant d’être le plus précis possible dans la pénombre. Je réussis à la toucher au moins une fois. À vrai dire, il fut moins vigilant lorsque je lui révélai ma pensée… pensée qui l’énerva. Sa corde sensible, quant à lui… était donc son cher père… son cher père à propos duquel j’avais dit que les choses qu’il avait accomplies étaient mauvaises.

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« C’est toi ou moi… et je ne compte pas mourir maintenant, me dit-il alors. »

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L’ingrat s’immisça dans la pièce où je me cachais avant de glisser au sol et de me viser. Il était temps de réagir… de réagir vite. Je ne comptais également pas mourir maintenant, il pouvait en être sûr. J’ai donc décidé de lui sauter dessus, tentant de le plaquer au sol. J’ai planté mon arme sur sa poitrine, plongeant un regard vif et brillant dans celui de mon ennemi.

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« Ravi d'avoir faire ta connaissance, l’ai-je salué, prêt à tirer.

- Va en Enfer ! hurla-t-il en pointant son arme au niveau de ma jambe. »

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Nous tirâmes en même temps, dans des hurlements de haine. Je sentis chaque millimètre que parcourait la balle dans la chair de ma cuisse. Ce violent tir à bout portant me fit rouler sur le sol, non loin de lui dans lequel je venais de tirer, moi aussi. Un cri de douleur incontrôlable me brûla la gorge. Je me suis recroquevillé sur moi-même, ne prêtant alors plus attention au boutiquier alors que… je ne savais même pas s’il était encore en vie. Le problème fut que Chihiro, inquiété par mon cri, était venu me rejoindre. Je l’entendais m’appeler… m’appeler sans cesse. C’était dangereux… il devait rebrousser chemin… tout de suite !

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« Argh… non… va… va-t’en, hanii ! me suis-je exclamé, autoritairement. »

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Je me suis redressé en m’appuyant sur mes bras. Hisoka gisait dans son sang… j’en perdais également beaucoup. J’ai alors aperçu, du coin de l’œil, mon bien-aimé. Il se trouvait près de mon adversaire… c’est alors que j’ai vu ce dernier bouger… il… il levait la main… son arme… son arme était dirigée vers celui que j’aimais plus que tout sur Terre !

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« Chihiro ! ai-je hurlé avec une grande terreur. »

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Mon cœur s’est mis à battre la chamade… Comment était-ce possible ? Etait-ce un cauchemar ? Chihiro… il allait donc bien mourir ici… ici, devant moi ? À seulement quelques centimètres de moi ? Mes yeux s’écarquillèrent, tandis qu’une détresse inouïe envahissait tout mon corps. Je pouvais voir… je pouvais voir les larmes couler sur le visage de mon fiancé brun… de grosses larmes. C’était donc cela… le visage de la mort… l’expression qui se dégageait d’un visage… du visage de l’être que l’on aimait le plus lorsqu’il allait mourir ? Non… non… je ne voulais pas voir ce visage ! Je vis le corps du garçon tomber au sol. Quelqu’un d’autre se trouvait à côté de lui. Natsumi… malgré sa défaillance, Natsumi avait réussi à le sauver… elle l’avait sauvé ! Chihiro frissonnait et pleurait en même temps et, moi, j’étais à genoux, paralysé, le regard tremblant.

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« Na… Natsumi… réussit-il à dire en glissant sa main vers elle. Je… je suis d-désolé… mai… j’ai… merci, j’ai eu si p-peur… chouinait-il. »

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Hisoka était mort. Il avait utilisé son dernier souffle pour tenter d’extirper celui de mon cher et tendre Chihiro. Je me suis relevé, boitant. Je me suis, sans réfléchir, jeter vers les deux adolescents avant de les ramener vers moi. Je les ai serrés tous les deux contre moi. Pour la première fois de ma vie… je crois bien… que j’avais eu peur… oui, j’avais eu peur. Jamais je n’avais ressenti quelque chose de la sorte. J’ai caressé doucement la chevelure de mon compagnon. Aah… c’était tellement bon de toucher ses joues chaudes… sa chaleur de bon-vivant…

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« Chihiro... ne me refais plus jamais ça... sans Natsumi, tu serais mort ! Merci, Natsumi... merci infiniment ! Chihiro, tu te rends compte ? »

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Je ne pouvais plus m’arrêter… je ne pouvais plus m’arrêter de prononcer leurs prénoms, de les serrer contre moi, de frotter délicatement le dos de la brune et d’offrir mille-et-un baisers à mon fiancé.

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« Je te l’ai dit… Yuki… je ne romps jamais une promesse… a-t-elle dit en souriant avant de fermer les yeux. »

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Natsumi était désormais inconsciente. Elle était encore plus affaiblie qu’elle ne l’était déjà. Si je voulais qu’elle survive… il fallait absolument que des soins médicaux lui soient procurés. J’ai tourné la tête vers Chihiro, prenant alors son visage dans ma main froide et de déposer une dernière fois mes lèvres sur son front. Un sourire empli de tendresse s’est dessiné sur mes lèvres et j’ai fait glisser ma main jusqu’à l’épaule de mon fiancé.

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« Hanii, récupère mon portable dans ma poche et attends-moi ici. »

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Le lycéen hocha la tête et obéit, tout en reniflant. J’ai emporté la vagabonde contre moi… il était temps de s’occuper d’elle, désormais. Je l’ai ramenée dans la chambre dans laquelle elle se trouvait il y a quelques jours, en utilisant le peu de force qu’il me restait. Je suis ensuite revenu vers la chambre que je partageais avec Chihiro avant de m’accroupir difficilement près de lui et de lui tapoter la tête.

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« Merci, neko-chan, ai-je dit en prenant mon téléphone de sa main.

- Yu... Yuki... est-ce q-que tout va aller p-pour Natsumi ?

- Bien sûr, je te le promets. »

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J’ai composé le numéro d’un médecin véreux sur mon téléphone portable. J’ai toujours gardé, auprès de moi, une liste de médecins frauduleux… vous savez, certains bons médecins… certains médecins avec une grande renommée, même, soigneraient n’importe qui pour un peu d’oseille… celui que j’étais en train d’appeler en urgence faisait partie de ce lot. En tout cas, il accepta de me venir en aide sans rechigner. J’ai raccroché avant de baisser la tête vers mon fiancé. Il ne pouvait briser le contact visuel avec le cadavre de celui que je venais d’assassiner. Il était en train de péter un plomb.

Camille Saint-Saëns - La danse macabre

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