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La question de la garde-robe d'Alize

 

Alize Fujiwara est une lycéenne de seize souriante, expressive et loufoque. À première vue, elle semble être une adolescente conduisant une vie joyeuse et tranquille... Pourtant, lorsqu'elle rentre chez elle, Alize devient une lycéenne de seize ans vivant constamment avec la peur au ventre de faire une erreur et un courage énorme face aux coups reçus de la part de son père...

C’est l’heure du petit-déjeuner que je dois passer en compagnie de mon père comme chaque matin. Les moments que je dois passer avec mon père ne sont pas ceux que j’apprécie le plus… c’est pour cela que, malgré le fait que je ne vais jamais en cours, je préfère être au lycée plutôt que de rester avec lui. Lorsque je rentre chez moi le soir, j’essaie de faire ce qu’il veut de moi le plus rapidement  possible avant de  m’exiler dans  ma chambre,  prétextant que  j’ai des  devoirs  à faire. Pour  parfaire entièrement mon

mensonge selon lequel je suis une lycéenne normale, je créé moi-même mes bulletins scolaires. À dire vrai… je ne suis même pas inscrite au lycée. Chaque année, je remplis mes papiers d’in ions mais… je ne les envoie jamais à l’école. Ma vie est en fait… une sorte d’illusion. Mon père, Tatsuya Kimura, ne semble point s’en rendre compte. Bien que je sois effrayée qu’il le découvre un jour, il en a pourtant l’air d’en avoir rien à faire. Pour lui, le plus important est que je me comporte comme une femme au foyer lorsque je suis à la maison… comme si je remplaçais ma mère. Mon père est tellement sëxiste… Il est un violent sëxiste. Néanmoins, je continue de vivre, cachant les marques qui couvrent mon corps et faisant ce qu’il veut de moi, comme le petit-déjeuner. Tous les jours, je prépare le petit-déjeuner en conséquence, ce matin-là ne fut pas une exception. Enfin… presque. Mon père apprécie fortement un petit-déjeuner traditionnel japonais bien préparé avec une petite touche d’occidentalisme. Ainsi, je me suis mise à confectionner des pancakes, du riz, des tamagoyakis, du thé vert ainsi qu’à sortir du natto. Cependant, j’ai remarqué qu’alors que je faisais tout pour que le petit-déjeuner soit irréprochable, lui ne  restait  pas  assis à  table  à attendre  comme il  le faisait

habituellement. Du coin de l’œil, je le voyais aller d’un endroit à l’autre, ramenant des choses, que je ne pouvais discerner pour le moment, vers ma chaise. Lorsque le repas fut près, j’ai amené rapidement tous les plats à table à l’aide d’un plateau. J’ai alors constaté que mon père avait déposé une tenue complète sur ma chaise. Il y avait une longue robe verte plutôt classique, dirais-je, élégante, des escarpins noirs vernis ainsi qu’un ras-de-cou sur lequel était accrochée une pomme. Je trouvais ce dernier plutôt mignon, d’ailleurs. Je posai un regard surpris sur mon père, battant lentement des cils. Lui aussi me fixait, de son air sérieux habituel, sans un sourire.

 

« Vas te changer, Alize, me dit-il presque sur le ton d’un ordre. »

 

J’acquiesçai avant de saisir tout le « matériel » et de me diriger vers ma chambre. J’ai donc remplacé mon uniforme customisé avec de la dentelle en bas de la jupe – que je mettais juste pour faire croire à mon père que j’allais en cours – par cette tenue qu’il venait de m’imposer d’enfiler. Lorsque je revins, mon père se mit à examiner mes deux couettes hautes et bouclées de manière insistante. Je baissai la tête, gênée.

 

« Assis-toi. »

 

J’acquiesçai à nouveau. Il s’approcha alors promptement de moi avant de défaire ma coiffure puis de faire un aller-retour à toute vitesse vers la salle de bain. Il se mit, par la suite, à coiffer doucement mes cheveux. Je ne savais pas trop quelle fantaisie il était en train d’infliger à ma chevelure, néanmoins… je préférais me taire. Lorsqu’il eut fini, il se remit à sa place, silencieux. Il me regarda à nouveau avec obstination. Quant à moi, je me mis à toucher délicatement mes cheveux, devinant la silhouette d’un chignon.

 

« C’est la tenue que tu porteras lors du réveillon de Noël, habitue-toi y. Je connais ta garde-robe, je l’ai vue des millions de fois, Alize… Je t’observe le week-end. Ce n’est pas avec ces tenues de gamine que tu deviendras une femme digne de ce nom. Tu as hérité du visage enfantin de ta mère, cependant, elle, avait une certaine classe… que tu n’as pas. L’année prochaine, il faudra que tu t’habitues à être élégante, délicate. Tu vas changer de garde-robe, Alize, déclara-t-il dans un long discours.​

 

Au fond de moi, j’étais brisée. Je ne voulais pas renier ma personnalité… mon style… c’était si personnel ! Je ne voulais pas être sa poupée… Je n’étais pas un objet… ni une ësclave ! J’en avais marre d’être battue,  qu’il contrôle ma vie, d’être la

remplaçante d’une femme de ménage, d’une serviteuse ! Je voulais… que tout cela s’arrête pour de bon.

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