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La lectrice et le dessinateur

 

Dévastée, Alize pense à des idées noires et tente de noyer ces dernières dans la lecture. En recroisant Hotaru, celui-ci lui propose qu'ils refassent une promenade ensemble. Cela va-t-il être bénéfique à la lycéenne battue par son père ?

Je me suis déjà demandée… quelle sensation je ressentirai si je mourrais. En fait… j’y pense de plus en plus chaque jour. Je me demande… s’il y a quelque chose après la mort. Si oui… okaa-san… okaa-san, est-ce douloureux ? Es-tu heureuse ? Est-ce que je te manque ? Parfois, je me dis que je serais bien plus heureuse si je la rejoignais… surtout en ce moment. Je n’ai plus personne pour me donner le sourire… Si je n’ai jamais parlé du traitement que mon père m’offre… c’est parce que c’était facile à oublier lorsque j’étais en compagnie de Chi-chan. C’était douloureux, mais… j’arrivais à le supporter ! Cependant, désormais… senpai est parti. En plus, depuis que père m’a vue traîner avec Hotaru, il est bien plus strict. Heureusement qu’il m’a imposée un nouveau  style vestimentaire, finalement… Avec les habits que je porte désormais, personne ne peut voir les traces de ses violences… et c’est bien mieux ainsi. Qui a besoin de voir ça, après tout ? Je n’ai pas besoin que l’on me plaigne… Les gens pourraient appeler l’aide à l’enfance, huh ? Ce serait inutile… mon père serait vite au  courant et cesserait de me faire du mal jusqu’à leur visite… ainsi, ils ne pourront constater aucune trace sur mon corps et il pourra se montrer en père bon et sévère comme il faut. Je suis déjà assez rassurée de ne pas à avoir à aller en cours… tous les matins, j’enfile mon uniforme puis je me rends au lycée… mais pas en cours. Alors qu’auparavant je me changeais dans ma salle abandonnée pour être à l’aise… je ne le fais plus… je ne vois pas l’utilité de mettre mes nouveaux vêtements… Ils ont beau me cacher, je les déteste, ils ne me correspondent pas du tout… néanmoins, c’est ce que père veut alors… alors je les mets lorsque je n’ai pas école afin… d’apaiser son courroux. 

Ces derniers jours, j’ai beaucoup lu dans ma cachette de l’établissement scolaire. Je n’ai pas grand-chose d’autre à faire, après tout… et puis… le dernier livre que Chi-chan m’a prêté m’avait beaucoup plu alors… je me suis dit que ce serait agréable de lire d’autres livres dans le même genre. Je crois bien que… je n’ai jamais autant lu de me vie. En vérité… je n’ai jamais vraiment lu de romans,  de  trucs  sans  image. Je  suis  plutôt une   adepte de mangas… Heureusement, cela,  mon père l’a  accepté.  Lire  ce genre

d’ouvrages est tout nouveau pour moi. Je lisais doucement, c’est vrai… mais, dès que j’en avais fini un, je voulais tout de suite en lire un nouveau. Je me rendais donc discrètement vers la librairie la plus proche. Tentant de me cacher le plus possible par une veste, une casquette et des lunettes de soleil. Je savais que certaines connaissances ou amis de mon père voyait très bien à quoi je ressemble alors que… je ne les avais jamais vus de ma vie. Je fuyais donc l’école par l’arrière de la cours, derrière la bâtiment en franchissant un grillage un peu abîmé. C’était assez dur, sans mentir… je suis assez petite de taille. Hmph. Bref… malheureusement, un jour… je suis tombée sur un élève… enfin, pour être plus précise… sur Hotaru. Ce n’est pas que je ne l’appréciais pas, au contraire… cependant, c’est bien la dernière personne que je devais voir, à vrai dire… Malgré mon camouflage, le garçon aux cheveux roux qui jouait au basketball sur le terrain derrière le lycée m’avait rapidement reconnue.


« Alize… m’a-t-il appelée tout d’abord dans un souffle épuisé. Ça fait longtemps !
- Huh… c’est vrai.
- Toujours aucune nouvelle de Chihiro, n’est-ce pas ? C’est pour cela que je te vois aller à la librairie au moins deux fois par semaine, hum ? me questionna-t-il avec un grand sourire.
- Ou… oui, en effet.
- Pareil pour moi… il pourrait faire signe de vie, ça serait sympathique… il abuse, parfois. Peu importe, il est incompréhensible comme mec, j’abandonne.

- Je… d’ailleurs, pourquoi senpai se comporte ainsi ?

- C’est étrange, comme question, dis-moi… dit-il tout d’abord, en affichant un sourire amusé. Il faut dire que moi aussi j’suis bizarre. Moi, je sais pourquoi… Chihiro le sait aussi. C’est le passé. Pour ce qui est de lui… je n’en ai aucune idée. Il me semble qu’il aime juste se faire du mal. Il a besoin d’être malade à en aller à l’hôpital, de se battre jusqu’à peut-être la mort, de disparaître… peut-être veut-il savoir s’il a le droit de vivre.

- Mai… mais c’est dangereux tout ça !
- Je sais… j’espère qu’il saura se raisonner, un jour… je suis peut-être un délinquant, mais lui… il est extrême comme délinquant. »

 

Je suis restée silencieuse… je n’étais pas au courant de tout ça ! C’est vrai que… c’est vrai que j’avais des cicatrices à cause de sa petite sœur mais… elle était dans un état second lorsque c’est arrivé et… et sa sœur… Madoka, elle n’était pas Chi-chan ! Je… je savais qu’il séchait les cours, tout comme moi mais… de là à faire tout ce que le rouquin m’avait cité… Pourquoi voudrait-il savoir s’il a le droit de vivre ? Tout le monde a le droit de vivre ! Le lycéen planta son regard d’émeraude dans le mien, avant de m’offrir un petit sourire qui lui donnait un air stupide et de se gratter l’arrière de la tête. Il laissa s’échapper un petit rire nerveux. J’ai cligné doucement des yeux, sortant alors de mes pensées… ah oui, il était là, lui !


«  Dis-moi, Alize… ne voudrais-tu pas que nous nous promenions en ville, à nouveau ?
- No… je ne préfère pas… enfin… j’ai de nombreuses choses à faire, ai-je menti.
- Qu’as-tu à faire de si important ? Ton « senpai » a disparu, après tout ! a-t-il déclaré, tentant de blaguer un peu pour me détendre.
- Ju… justement… ça ne me donne pas vraiment envie de faire quoi que ce soit…
- Allez… même si tu n’as pas envie, tu devrais faire autre chose que rester enfermée toute seule à lire ! insista-t-il
- Je… non… je ne crois pas…
- De toute façon, tu n’as pas vraiment le choix, a-t-il fini par dire en m’attrapant le bras dans un élan rapide. »

Il s’est mis à marcher, m’entraînant alors dans ses pas. Je suis restée muette… bouche-bée, surprise par l’acte qu’il venait de faire. En même temps, je pensais qu’il n’était qu’un goujat et je me disais « mais pour qui il se  prend ? » mais je me disais également que… ce n’était peut-être pas une si mauvaise idée. La seule chose qui me terrorisait était… la possibilité que mon père nous aperçoive à nouveau. Ainsi, durant toute l’après-midi, je n’ai fait que me cacher, observer la moindre personne qui se trouvait autour de nous ou que nous croisions. J’avoue avoir agi de manière étrange de temps à autre et Hotaru a dû vraiment se demander si je n’avais pas de problèmes psychologiques. Malgré, donc, mon comportement de folle, nous nous sommes, à nouveau, sans mentir, bien amusés. Le rouquin m’a montré de jolis endroits dans la ville, cette fois-ci puis nous nous sommes assis dans l’herbe, au parc. Le soleil était présent mais il ne faisait pas trop chaud. Il diffusait une douce chaleur agrémenté d’un petit vent très agréable. Hotaru sortit un grand carnet à anneau dont les pages étaient épaisses. Il m’a regardé un peu, penchant la tête à droite et à gauche, plissant les yeux avant de se mettre à crayonner tranquillement. Au bout de cinq bonnes minutes, alors que j’entendais le bruit de l’air s’engouffrer dans la paille de mon jus de fruit annonçant alors la fin de ce dernier, il eut un peu sursaut en laissant s’échapper dans un soupir un petit « oh ». Il secoua ensuite rapidement la tête avant de poser son regard sur moi.

« Ah, en fait… je ne t’ai même pas demandé l’autorisation de te dessiner ! s’exclama-t-il.

- Pour… pourquoi te l’interdirai-je ? ai-je rétorqué.

- Je ne sais pas… c’est vrai que ce serait débile, a-t-il déclaré en affichant encore ce stupide sourire. »

Après cela, j’ai tenté de faire le moins de mouvement possible afin que Hotaru réussisse son dessin. Je me demandais cependant quel allait être le résultat… je ne savais pas qu’il dessinait. Après tout, c’était normal, nous ne nous connaissions pas vraiment. Nous nous étions vus lorsque Chi-chan l’avait appelé au secours… il avait aussi découvert mon secret et m’avait emmenée avec lui… durant cette épreuve, j’étais tout de même restée assez longtemps avec lui. De plus, nous avions tout de même fait semblant d’être un couple alors… cependant, cette péripétie m’avait assez gênée, au final… bien qu’elle fut intéressante. En fait, je ne sais pas trop quoi dire cette aventure… en tout cas, c’est là que Hotaru m’avait donné son numéro de téléphone et que je ne lui avais jamais envoyé de message. Pour finir, nous nous sommes vus il y a une semaine lors de cette fameuse promenade qui rendit mon père furieux… puis, aujourd’hui. Je pense que si on ajoute toutes nos rencontres, nous nous sommes vus environ une semaine et demi… c’est peu, quand on y pense. Le garçon aux yeux verts termina assez rapidement le dessin, je trouve. Il me sourit amicalement avant de tourner son carnet à croquis vers moi, afin que je constate son œuvre. Je suis restée silencieuse, ne savant pas trop quoi dire à propos de… cette œuvre. Les traits extérieurs étaient épais et pourtant tout était fin et estompé parfaitement. Son talent était visible… c’était tellement beau. Les yeux semblaient vivant tellement les reflets y étaient frappants. Il m’avait donné un doux sourire, naturel et… perçant. Les cheveux semblaient… non, avait été faits trait par trait. Des milliers de traits avaient était fait pour créer une chevelure soyeuse et agile. Ces traits de crayon étaient bien plus beau que le modèle qui lui avait servi pour les réaliser…

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