top of page

Pourquoi me rends-tu tant en colère ?!

 

Lorsque Yukishiro et Chihiro sont venus rendre visite à la famille Watanabe, ce dernier a confier à sa petite-sœur Madoka de donner les cadeaux qu'il avait acheté aux absentes ce jour-là. Elles sont trois : Misaki, Moe et même... Yui.

« C’est vraiment dommage que vous n’ayez, toutes les trois, pas été là lorsque Chihiro et son petit copain ont débarqué à la maison !

- Je ne te le fais pas dire, imouto-san ! Malheureusement, la mère de Moe était malade… et son père était très occupé par une affaire importante. Tu sais à quel point elle est fragile ! Nous devions faire notre possible pour elle. J’aurais pourtant voulu le revoir, mon petit chaton ! Qu’est-ce que tu faisais, toi, Yui, ce jour-là ?

- J’avais du travail pour l’université. »

Oh oui… quel dommage… je n’avais pas pu assister au tant attendu retour de mon petit frère au domicile familial. À vrai dire, ce jour-là, je ne faisais rien de particulier. Je n’avais juste pas envie de me déplacer pour lui et sa saloperie de petit-ami. Ce dernier était d’une telle… arrogance… ils s’étaient bien trouvés, Chihiro et lui. Regardez-les… excités comme des puces… Madoka ne cesse de raconter à quel point cette journée était géniale tandis que Misaki ne peut s’arrêter de dire à quel point elle est triste de ne pas avoir pu le voir en lui donnant des surnoms mignons. Quant à Moe… elle est assez silencieuse. Elle a toujours été peu bavarde lorsque le sujet de conversation se mettait à tourner autour de Chihiro en ma présence. J’adore mes sœurs… j’adore mes parents… seul mon satané petit-frère me pose un problème… néanmoins, il faut avouer que leur joie m’était incompréhensible. Pourquoi n’étaient-elles pas en colère ? Il était venu leur rendre une visite surprise avec son copain… quelle superbe initiative ! Oubliaient-elles, cependant, la tristesse qu’elles avaient ressentie lorsque okaa-san avait lu son message durant un repas réunissant toute la famille ? Ignoraient-elles la souffrance qu’avait ressenti notre mère ? Qui sait… peut-être ne s’en était-elle encore pas remise, tiens. Chihiro n’est qu’un égoïste. Il n’a pensé qu’à sa petite personne et a fui avec son abruti de petit-ami sans prévenir qui que ce soit ! Derrière lui, il a laissé notre mère, dévastée ! Il n’a pas donné de signe de vie pendant un mois… et voilà qu’après un stupide message explicatif et une visite surprise, je devrais me réjouir de la situation ? Il était hors de question que je me mette un voile devant les yeux tout comme elles le faisaient…

« Onii-san et Yukishiro nous ont ramené des cadeaux, au fait ! Voici pour toi, Misaki… Moe… e-et… et Yui ! finit-elle par dire, hésitante. Ouvrez-les !

- Commence, bebii, déclara ma grande-sœur.

- Thé du Mont Meakan ! Je n’ai jamais assez de thé.

- Tu rigoles ? L’appartement va bientôt s’écrouler si tu ne t’arrêtes pas ! rétorqua Misaki. Que c’est mignon ! C’est une jolie peluche à l’effigie d’une biche, annonça-t-elle. Chihiro m’a écrit un petit mot… il précise qu’elle a été faite par un artisan… celui-ci les créé pour célébrer ces jolies bêtes qui sont protégées dans le magnifique parc de Shiretoko. À ton tour, Madoka-chan !

- Alors… oh ! C’est le fameux Nama Caramel, celui qui vient de la ferme Hanabatake ! Il est impossible d’en trouver dans notre région !

- Petite privilégiée, ça m’a l’air vachement bon ! blagua Misaki. Qu’en est-il de ton cadeau, Yui ?

- Je préfère l’ouvrir chez moi. »

 

Le silence se fit. Toutes avaient les yeux rivés sur moi, à part Moe qui détourna rapidement du regard. La fiancée de ma grande-sœur a toujours agi de cette manière envers moi… je ne lui ai jamais vraiment parlé. Il y a comme… une petite gêne entre nous deux, une gêne dont les origines sont inconnues. Misaki soupira légèrement avant d’afficher un air attristé.  Elle soupira légèrement, ne me quittant pas du regard. Je suis restée impassible face à elle. Je savais très bien qu’elle allait me faire une remarque… et je savais très bien quelle serait l’idée de cette dernière. Je n’avais pas vraiment envie de me disputer avec ma grande sœur. Je n’ai jamais voulu me disputer avec elle… à vrai dire, nous ne nous sommes jamais vraiment disputées. Onee-san tentait tout le temps de me raisonner à propos de Chihiro… cependant, je ne me mettais jamais en colère lorsqu’elle abordait ce sujet. L’incompréhension, voilà qu’est-ce qui me dominait lorsqu’elle offrait des louanges à notre petit frère. Je n’ai jamais compris pourquoi tout le monde le trouvait tant extraordinaire.

« Yui-chan… je sais que son départ t’a mise très en colère… et que cette colère s’est accentuée lorsque okaa-san nous a lu le message… mais… mais, s’il te plait, ne te débarrasse pas de son cadeau ! Chihiro vient de faire un pas vers toi.

- Je n’ai jamais dit que j’allais le jeter.

- Promets-le-moi, je t’en prie…

- Ane…

- Je t’en prie, Yui.

- Je te le promets. »

Misaki m’a offert ce sourire plein d’amour de grande sœur qu’elle arborait si souvent avant de me serrer dans ses bras et de me susurrer un faible « merci ». J’allais… j’allais vraiment l’ouvrir pour lui faire plaisir. Sans mentir, si elle ne m’avait obligée à le garder, je m’en serais, en effet, débarrassée. La fin de la soirée s’est déroulée tranquillement, nous avons dîner tous ensemble, mes sœurs, mes parents, Moe et moi. Habituellement, je reste dormir au domicile familial… toutefois, ce soir-là… j’avais décidé de rentrer chez moi. La persévérance de ma grande sœur à propos de ce cadeau m’avait donné envie de l’ouvrir rapidement et… je ne sais pas réellement pourquoi, sûrement par fierté, mais je n’avais pas envie de l’ouvrir au sein de la maison de mes parents… et que Misaki me surprenne. Je suis donc partie dans ma petite voiture d’étudiante et après une bonne heure de route, je suis arrivée à destination… à Mitaka, en banlieue ouest de Tōkyō. Cela faisait déjà trois ans que je vivais dans un petit appartement situé dans au sein de cette ville d’un peu plus de cent-soixante-dix-mille habitants… et j’allais sûrement encore y rester durant quelques années. Je vivais dans un logement assez misérable, mais… je ne m’en plaignais pas. J’avais de la chance d’être ici et de pouvoir faire ce dont j’avais envie. J’étais la première de la famille à avoir entamé des études supérieures. J’ai déposé les clefs de mon moyen de transport sur la table avant de m’asseoir en tailleur sur le lit. J’ai posé l’objet emballé en face de moi. Je l’ai scruté quelques minutes. Le cadeau… mon cadeau était différent de celui de mes sœurs. Les leurs avaient une forme particulière car… c’était des produits artisanaux ou du terroir. Il était rectangle… c’était un long rectangle. Derrière ce papier se cachait sans aucun doute une boîte. J’ai approché ma main tremblante du paquet. Les propos de Misaki ne cessaient de se répéter dans ma tête. « Chihiro vient de faire un pas vers toi ». J’ai secoué la tête avant de l’ouvrir. Pourquoi est-ce que je stressais, comme ça ? J’étais ridicule… Je suis tout d’abord tombée sur un petit bout de feuille cartonnée.

« Yui, je n’aurais jamais dû te juger et ignorer tes sentiments, ce jour-là. Je sais que tu me détestais, à l’époque et, donc, que mes propos ont provoqué ta colère. Nous nous sommes donc battus, dans la maison de notre défunte grand-mère. Je sais que tu me déteste encore aujourd’hui. Toutefois, lorsque je suis passée devant la boutique de cet artisan, j’ai pensé à toi. Je voudrais apprendre à t’aimer, onee-san. »

Mes doigts se sont crispés sur le papier. J’ai serré les dents. Pour qui se prenait-il avec son « je sais que tu me déteste encore aujourd’hui ? », hein ? Voulait-il me faire passer pour une tourmenteuse ? Pour un tyran ? J’ai froncé les sourcils avant de soupirer légèrement. Calme-toi, Yui… tu ne vas pas déjà t’énerver… tu as encore le contenu de la boîte à découvrir ! Cette jolie boîte en bois vernis qui semble… de bonne facture. Elle sentait la nature… elle sentait la forêt. Lorsque je l’ai ouverte, j’ai découvert un collier déposé sur un lit d’aiguilles de pin rouge et de feuilles d’érable du Japon. J’ai pris le bijou dans ma main composé d’une lanière en cuir blanc et d’un pendentif assez particulier. C’était un petit morceau de bois sculpté avec finesse. Ce petit morceau de bois avait la forme d’un violon. Il était extrêmement bien détaillé. Il avait été confectionné avec une grande délicatesse et une  maîtrise hors norme.  Je me suis mise  à 

trembler plus que jamais, ne pouvant plus décrocher du regard ce dernier de mes yeux humides. Cette breloque… c’était exactement la même que… la même que j’adorais… celle qui a été cassé « ce jour-là ». Ecrasé sous le pied féroce de mon petit frère. Ce jour-là. Dans la maison de notre feue grand-mère. J’ai ouvert le fermoir du collier avant de le passer autour de mon cou. Alors que j’attachais le présent à ma nuque, des larmes se mirent à rouler le long de mon visage. Ça lui faisait du bien de m’offrir ce qu’il m’avait pris ? Ce qui avait été le plus précieux pour moi ? Croyait-il pouvoir remplacer la valeur sentimentale qu’il contenait avec un pendentif flambant neuf ? Chi… Chihiro n’était qu’un monstre… vicieux… un monstre vicieux qui m’avait offert un beau cadeau.

ℒund – 破碎 (Broken) (2016)

bottom of page